Journal de bord d'un stagiaire comblé
Samedi 9 h, j’arrive en vue de la rotonde visible de la route. La tension monte un peu, le stage est annoncé physique et vu mon gabarit ce n’est pas le domaine ou j’excelle mais c’est un rêve de gosse de pouvoir conduire une locomotive à vapeur et lorsque j’ai su que c’était possible avec l’AECFM je n’y aurais renoncé pour rien au monde.
Accueil convivial avec un bon café, présentation, petite visite du site et sans tarder on rentre dans le vif du sujet. Comme nous ne sommes que 2 stagiaires la répartition des rôles est vite faite, pour ce premier jour Jean-Marc sera le mécanicien et je serai le chauffeur, chacun d’entre nous étant chaperonné par un instructeur aguerri.
Bernard m’explique le rôle du chauffeur et les premières tâches à accomplir. Muni de seaux, d’une balayette et d’une truelle j’entreprends le nettoyage du foyer et de la boîte à fumée. Pour cette fois je suis dispensé du ramonage des tubes de la chaudière.



17 h 30, retour au dépôt où il faut vider le foyer sur le cendrier avant que Marc assure les manœuvres pour décrocher les wagons et remiser la loco. Premières impressions : intense, physique et prenant, tout ce que j’espérais, tout ce que je suis venu chercher à Rillé ! Débrief autour d’une bière ou d’un soda, le temps s’écoule, on n’a pas envie de partir...
Dimanche 9 h 30 : Inversion des rôles, aujourd’hui je suis mécanicien et on va tracter un train de voyageurs avec des passagers ! Première étape de la préparation : dégraissage de tout l’embiellage avec un pinceau imbibé de gazoil. Peu habile j’en mets autant sur ma combinaison que sur les pièces à nettoyer. Une fois l’ensemble propre il faut procéder au graissage avec 3 lubrifiants différents : huile à haute densité, huile classique, graisse. Heureusement Marc est là pour m’éviter de tout mélanger, il ne se contente pas de m’indiquer quel produit utiliser, il me précise également pourquoi on privilégie celui-ci plutôt qu’un autre. Cette opération permet de découvrir en détail l’embiellage et les dispositifs astucieux qui assurent la lubrification, comme ces graisseurs, cylindres creux qu’on visse petit à petit au fil des voyages pour comprimer la graisse et l’envoyer dans les axes. Après le cours magistral, le repas et le café, nous voici à nouveau prêt à partir. Sentiment partagé entre excitation de prendre les commandes et angoisse à l’idée de véhiculer du public. Marc m’explique les différences avec le train de la veille. Le poids tout d’abord : on passe de 22 tonnes à 33 ! Le frein des wagons ensuite, qui fonctionne « à l’envers », à savoir que lorsqu’il n’y a aucune pression les mâchoires sont serrées, un dispositif étudié pour plus de sécurité. Cette commande que nous n’avions pas samedi vient donc se rajouter à celles du régulateur et du levier de marche que j’aurai à manipuler sans oublier un manomètre supplémentaire à surveiller.
14 h il faut y aller, le levier du régulateur est dur et j’ai du mal à doser la pression, le premier démarrage est un peu brusque mais ensuite ça va mieux. C’est impressionnant comme on sent les réactions de la machine. On arrive en vue de la gare en poussant les wagons, des gens attendent sur le quai, petit coup de stress. Avant le départ, on effectue un retournement de la loco sur le triangle ainsi qu’une purge générale dans un fracas d’enfer. Marc effectue l’accrochage puis se place en arrière. C’est parti !
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Photos: Jean-Luc Fievet |
Lundi 9 h 30 : Pour cette dernière journée, ce sera une répétition des précédentes où nous allons occuper tour à tour les deux postes. Aucune lassitude à accomplir à nouveau les mêmes tâches, au contraire on s’active en sachant que le rêve touche à sa fin mais qu’il a été bien réel et qu’il faut en profiter. Par contre j’ai bien saisi que pour moi ça avait été un jeu. Seulement en effectuant toutes les tâches on mesure quelle devait être la pénibilité pour les équipages qui faisaient ça tous les jours par tous les temps toute leur vie.
Les jours suivants le stage : Attention aux effets secondaires, surtout lors de la conduite d’une automobile. Sont fréquents, les coups d’œil sur le compte-tours en désespérant de ne pas dépasser 3 bars de pression, les ordres aboyés à son épouse : « Frein serré, purgeurs ouverts ». Par contre une vigilance maximale est nécessaire pour proscrire à tout prix la contre-vapeur, l’embrayage n’aime pas ça, mais alors pas du tout... Remerciements à l’ensemble des membres de l’AECFM pour leur patience, leur bienveillance, leur indulgence et leur professionnalisme, on n’est pas près d’oublier ces moments passés en leur compagnie. Le stage était à la hauteur de mes espérances, organisé avec sérieux et rigueur tout en nous permettant d’y être véritablement acteur et de prendre un réel plaisir.
Jean-Luc, stagiaire 2019
Un tel témoignage est une belle récompense pour tous ceux qui préparent et réalisent ces stages, merci !
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